Impression d’ensemble.
C’est en lisant une publication sur Facebook que je me suis inscrit avec un groupe de pêcheurs qui recherchait un huitième homme. Un séjour de pêche des carnassiers à Sibbo en Suède, c’est la garantie d’une semaine loin de tout, au calme. Un séjour de pêche des carnassiers à Sibbo c’est aussi la garantie de surprises, de coups d’éclat, de moments intenses, d’échecs aussi. Je rapporte de cette semaine des souvenirs et des stigmates sur mes mains blessées par les dents acérées des brochets qui vivent en eau saumâtre. Se confronter aux brochets de Sibbo, c’est accepter que rien n’est pareil qu’ailleurs.
Le chalet suédois, typique, se trouve à 300m du ponton où sont amarrées les embarcations.
L’aube à proximité du ponton: il est 5h00 ce matin, le lac est calme en apparence mais la vie grouille de partout.
la faune du lac de Sibbo
Les 700 ha du lac regorgent d’une population hors norme de brochets et la taille moyenne des prises dépasse allègrement les 70 cm. Ils hantent les bordures de joncs, les aplombs rocheux, les plateaux, ils sont partout! Avec eux cohabitent des perches et des sandres. Les perches prises dépassent couramment les 35 cm. Les sandres sont plus rares (leurs mœurs ne sont pas maitrisées ici). Mais la moyenne des tailles de capture est juste énorme!
Vouloir traquer le carnassier comme on le fait en France s’est s’exposer à beaucoup de frustration. En effet, le leurre de petite taille semble avoir la préférence des brochets. Ainsi, ceux qui sont déjà allés à Sibbo témoignent de saisons durant lesquelles les leurres souples de 5 ou 6 pouces de telle ou telle couleur firent nettement la différence. L’utilisation de têtes plombées de 10 grammes maximum auraient également été plus prolifiques.
Mais pour autant, on ne prend quasiment jamais de brochetons dans cette jungle aquatique. On a l’impression que seuls les poissons assez gros pour ne pas être mangés peuvent être pêchés, les petits sont quasi invisibles! Il doit y avoir des »pouponnières » où grandir en sécurité relative est possible. Là, les juvéniles sont sûrement concentrés, à l’abri de leurs ainés… Notre accompagnateur plaisante même en disant qu’à Sibbo les brochets ne pondent pas et accouchent directement de brochets de 60cm!
Quel choix de leurres?
Pour la semaine passée, exit les leurres souples, même si bien sûr il y a eu des résultats. Il a fallu sortir de la ferraille et de la palette! Chatterbaits et Spinnerbaits ont clairement rapporté beaucoup et gros, voire très gros. Je savais ne pas pouvoir lutter contre une tendance mais j’ai malgré tout accepter le risque de manquer la pêche. J’ai essayé des montages que j’avais à cœur d’essayer. Une façon de me défier, moi qui suis désormais moniteur guide de pêche diplômé. D’ailleurs je n’étais pas censé être le meilleur pêcheur, un moniteur guide de pêche n’a pas cette vocation, et s’il l’a, c’est un bonus!
J’ai donc testé un leurre dur que j’avais repeint spécialement pour Sibbo, j’ai pris quelques poissons avec. J’ai ensuite testé d’autres leurres dans lesquels j’avais confiance. Ici aussi j’ai eu quelques touches. Mais, mais, pendant ce temps, mon binôme de bateau s’est cantonné à utiliser les leurres qui depuis plusieurs années donnent de bons résultats. Ainsi, alors que je pêchais avec des leurres durs de 40 grammes et plus, lui envoyait des leurres souples de 5 à 7 pouces et surtout des spintails de 14 grammes. En matinée la pêche était généralement assez compliquée et nos résultats étaient comparables. Mais dès que les poissons passaient en mode chasse, alors il faisait systématiquement la différence avec un nombre de touches bien supérieur au mien.
Accepter de s’adapter.
J’ai finalement délaissé mes gros leurres durs et j’ai sorti des spinnerbaits et des chatterbaits (plutôt de 32 grammes)… Nous avons été quelques-uns à suivre cette piste qui s’est avérée très bonne. Les carnassiers de Sibbo ont littéralement craqué pour les leurres métalliques et les palettes. Comme cela marchait plutôt bien, j’ai décidé de reprendre des tailles de leurre élevées en sortant des spinnerbaits de 50 grammes agrémentés d’un trailer de type anguille de 30cm!
Cette combinaison doit m’avoir rapporté près de la moitié de mes poissons. J’ai bien sûr essayé les leurres souples de petite taille (5 à 7 pouces) mais je n’arrive décidément pas à insister avec, et je retourne vers des leurres plus gros, je n’y peux rien, j’ai besoin de lancer du lourd! 🙂
Un point de bascule inattendu.
Des aléas peu plaisants ont marqué mon séjour. Le lundi matin, l’hélice de notre moteur thermique a heurté un rocher qui n’était pas signalé. Axe de l’hélice faussé et hélice HS, impossible de continuer avec ce bateau. Le responsable suédois du camp a donc immobilisé le bateau pour l’emporter en réparation. Comme il n’y avait pas d’autre bateau de disponible, nous avons dû embarquer avec nos camarades et ainsi nous retrouver à trois par embarcation.
La pêche est alors devenue radicalement différente. J’avoue avoir pris un coup à ma motivation car je me suis retrouvé avec deux pêcheurs. Ils ne maitrisaient ni ce type de pêche ni l’utilisation d’un moteur électrique pour des dérives de qualité. J’ai été contraint de prendre les commandes. Je me suis en quelque sorte retrouvé en position de moniteur guide de pêche, ce n’était pas prévu.
Un sentiment contrasté de satisfaction et de frustration m’a alors animé. D’un côté conseiller, piloter, expliquer, photographier les prises et voir la joie des deux pêcheurs. Et maintes et maintes fois couper la dérive pour aller décrocher les leurres maladroitement envoyés dans les joncs. Cela m’a valu beaucoup de mercis de leur part. De l’autre, faire le bilan le soir et entendre le nombre de prises des autres pêcheurs. Individuellement mes résultats étaient mauvais mais »mes pêcheurs » étaient ravis de leurs résultats sans cesse en progression et des histoires qu’ils allaient pouvoir raconter une fois rentrés en France.
Retour à la normale salvateur.
Le mercredi j’ai changé de bateau pour être le troisième homme d’une autre embarcation. J’ai malgré tout pris la commande du moteur électrique pour faire les dérives… Premier poisson pris par un des pêcheurs alors que je m’occupais de la dérive du bateau : un joli sandre. Puis, enfin, jeudi est arrivé. J’ai pu reprendre la pêche avec mon binôme sur une nouvelle embarcation. Une journée à 40 poissons dont un brochet de 107 cm et un grand nombre de poissons de plus de 80 cm auraient presque pu me faire oublier mes déconvenues.
Je n’aurais quasiment pas pêché pendant près de deux jours, mon ressenti est mitigé, mais je reste satisfait des choix que j’ai faits. Certains m’ont dit que rien ne m’obligeait à cesser de pêcher mais je ne voyais pas comment j’aurais pu prendre la télécommande du moteur, positionner égoïstement le bateau pour moi faire du poisson pendant que je laissais les deux autres pêcheurs casser leur ligne dans les roseaux tous les 5 à 10 lancers…
Et encore un coup du sort!
En plus de l’avarie d’hélice, j’ai cassé ma canne préférée. Je prenais du plaisir à faire des lancers précis et à combattre les poissons avec ma canne Sportex. Mardi (embarcation à trois), je prends une jolie perche et je décide de la monter au bateau, sans passer par l’épuisette. Un bruit sec et assez fort a retenti : le scion a cassé net entre le quatrième et le cinquième anneau! La flèche du scion a dû être trop importante.
Privé de ma canne, sans possibilité de remplacement, j’ai été obligé de composer avec les autres cannes que j’avais emportées. J’avais une canne voyage qui s’est avérée être trop lourde, je l’ai remisée. Il me restait alors une canne spinning assez légère et une canne casting vraiment plus raide. Il m’a fallu un temps d’adaptation et des choix de leurres légèrement différents pour correspondre aux caractéristiques des cannes. Mais au bout du compte les deux cannes m’ont donné entière satisfaction. Ce sont toutes deux des Sportex, j’ai forcément un à priori positif!
Premiers enseignements.
Les séjours de pêche des carnassiers à Sibbo doivent leur réussite à des facteurs qu’il est bon de connaître. Une semaine de vie en collectivité a plus de chance de bien se passer si on connait déjà certains pêcheurs. Nous vivons dans des chambrées de 2 ou 3, nous partageons les sanitaires, nous cuisinons nos repas, les tâches ménagères doivent être assurées par le groupe. Nous vivons sur le même rythme pour synchroniser les activités. Pour profiter des journées de pêche, il faut selon la saison se lever très tôt. Nous nous sommes levés à 4h00 tous les jours. Comme la fin de journée est aussi propice à de beaux coups de ligne, nous rentrions à 20h. Les excès de table d’un jour se paient donc à un moment ou un autre.
Le matériel à emporter reste du ressort de chacun mais autant ne pas lutter contre l’évidence. Il faut des leurres souples avec des têtes plombées de 10 à 18 grammes, des leurres métalliques (chatterbaits, spoinnerbaits) de 25 à 50 grammes, des spintails 14 grammes, quelques leurres durs (cranckbaits, jerkbaits). Lorsque le fond de sac est prêt, et fonction de la marge de poids, le pêcheur pourra emporter ses leurres favoris. Les cannes, les moulinets, les fils et tresses doivent être de bonne qualité, à défaut, les pertes de leurres et de poissons risqueraient d’être importantes.
Bien sûr il faut aussi des agrafes, du flurocarbone 91/100 pour les bas de ligne, une pince à long bec. Une trousse de secours dont impérativement une crème pour soigner les mains est essentielle! Les vêtements ne prennent que peu de place, inutile d’être tiré à quatre épingles tous les matins, il faut être efficace. Évidemment les vêtements de pluie sont à prévoir, bottes et wadders sont inutiles car les bateaux sont amarrés à un ponton.
Et si c’était à refaire?
Cette question est une des clés de la réussite et de l’amélioration des performances, pas seulement à la pêche. Il ne faut pas verser dans l’excès mais à chaque évènement, à la fin de chaque phase, de journée, il faudrait se la poser. Pêcher les carnassiers à Sibbo en Suède c’est avant tout un voyage qu’il faut préparer (bagages, sélection de matériels, vol, autres transports, hébergement, alimentation, etc.). Un séjour de pêche des carnassiers à Sibbo c’est aussi une nécessaire remise en question. Chacun son niveau en pêche mais ne pas maîtriser les lancers, les montages, le choix des leurres et leur utilisation, c’est perdre du temps, manquer des poissons et perdre beaucoup, beaucoup de leurres.
J’ai perdu très peu de matériel mais le risque zéro n’existe pas. Concernant le nombre de poissons pris, j’aurais bien sûr en prendre plus mais je ne regrette pas mes choix. Le temps passé à guider un bateau plutôt que de me limiter à égoïstement pêcher n’a pas été une mauvaise option. En effet, je pense que les pêcheurs à bord auraient sûrement pris moins de poissons. Ils auraient vu leurs boîtes de leurres se vider très vite, sans parler de la tension qui aurait pu naître à bord! J’ai pris environ 70 poissons, les plus grands faisaient 107 et 101 cm. C’est certes beaucoup par rapport à la France, mais c’est un résultat très moyen pour Sibbo!
Je retournerai je pense à Sibbo, pour justement mettre en pratique les enseignements que j’ai pu tirer de ce séjour. Peut-être même je trouverai des amis pêcheurs pour m’accompagner là-bas et profiter de mes connaissances. L’avenir proche le dira.
Les nombreuses photos prises iront rejoindre celles déjà présentes sur ma page carnassiers.